Evincés les uns après les autres, les patrons des grands groupes miniers paient les fusions avortées et les excès de ces dernières années.
La semaine dernière, le plus important des tycoons des ressources minérales, Marius Kloppers, PDG du numéro un mondial des mines, BHP Billiton, a été remercié. Une annonce qui est tout sauf anecdotique, car, avec lui, quatre patrons du Top 5 minier auront donc quitté leur poste au cours des deux dernières années. Le premier avait été l'homme fort du secteur minier brésilien, Roger Agnelli. Evincé fin mars 2011 de la tête de Vale, le premier producteur mondial de minerai de fer, ce patron très autoritaire a été débarqué sans ménagement par la nouvelle présidente, Dilma Rousseff. A l'époque, personne n'imaginait que cette mise à l'écart allait marquer la fin de l'époque dorée pour les géants miniers. Mais, quelques mois plus tard, trois de ses collègues ont également dû céder les rênes : il y eut d'abord Cynthia Carroll (octobre 2012), la seule femme patronne d'un géant minier, Anglo American ; puis Tom Albanese (janvier 2013), le numéro un de Rio Tinto, et, enfin, la semaine passée, Marius Kloppers. A ces quatre démissions, il faut sans doute ajouter un cinquième départ programmé : celui de Mick Davis, le bâtisseur du groupe minier suisse Xstrata, désormais marié à Glencore. Au printemps 2012, les actionnaires minoritaires d'Xstrata s'étaient élevés contre la prime faramineuse de 220 millions de dollars qui lui avait été promise par Glencore, ainsi qu'aux autres directeurs de la société, pour qu'ils restent à leur place après la fusion des deux groupes. Après huit mois de rudes batailles, les protestataires ont eu gain de cause. Et Mick Davis quittera très probablement le nouvel ensemble avant l'été.
Si l'on assiste aujourd'hui à ce grand ménage à la tête des groupes miniers, c'est que leurs actionnaires sont en colère, au terme d'une longue série de projets de fusions, souvent ratées, toujours cher payées. Selon Ernst & Young, entre 2003 et 2012, la consolidation du secteur minier a mobilisé près de 1.100 milliards de dollars. Les actionnaires avaient alors accompagné docilement la stratégie de croissance externe élaborée par les entreprises minières. Une stratégie qui se fondait sur l'idée que le cycle haussier des ressources minérales, alimenté par la demande chinoise, allait se poursuivre encore longtemps. La crise qui a éclaté en 2008 a totalement changé la donne. L'ascension des prix a été stoppée net. L'exemple le plus éclatant ? Les prix de l'aluminium, le métal non ferreux le plus négocié, a fondu de 22 % depuis 2007 en raison d'excédents chroniques de production.
Dans ces conditions, l'affaissement des prix a obligé les acquéreurs à déprécier des actifs dont le prix d'achat ne correspond plus à leur valeur réelle actuelle. C'est ainsi que Rio Tinto a été contraint en janvier de déprécier les actifs d'Alcan (achetés en octobre 2007) de 10 à 11 milliards de dollars. Une dépréciation qui s'est ajoutée à celle de 3 milliards de dollars relative à des actifs charbonniers acquis au Mozambique, il y a seulement deux ans. Avant de partir, Tom Albanese a endossé la responsabilité de ces erreurs stratégiques. L'éviction de Cynthia Carroll, elle, est liée à la diminution de 4 milliards de dollars de la valeur comptable du projet minier brésilien de Minas-Rio, dans le minerai de fer. Un projet dont la facture n'a cessé de grimper, pour atteindre aujourd'hui près de 9 milliards de dollars. Vale a également été amené à déprécier massivement deux de ses actifs les plus prisés : Onca Puma (ferro-nickel, Brésil) et sa participation de 22 % au capital du producteur norvégien d'aluminium Norsk Hydro. Total de l'ardoise : 4,2 milliards de dollars. Le leader mondial BHP Billiton n'a pas non plus échappé à ce difficile exercice : il a dû réduire la valeur de marché de plusieurs opérations dans le nickel, l'aluminium et le minerai de fer. Quant à Xstrata, il a, pour l'instant, limité la casse à environ 1 milliard de dollars… A l'issue de ce « nettoyage », les opérations du secteur minier dans son ensemble valent aujourd'hui près de 50 milliards de dollars de moins qu'en 2011.
Pour les actionnaires, la pilule est d'autant plus dure à avaler que, dans le même temps, d'énormes sommes ont été dilapidées dans des projets de rapprochement qui ont tourné court, ou n'ont pas tenu leurs promesses. Avant de fusionner avec Glencore, Xstrata aura successivement tenté de se marier avec Vale, puis Anglo American. A deux reprises, BHP Billiton et Rio Tinto ont tenté, en vain, de s'unir. Le même BHP Billiton n'est pas parvenu à mettre la main sur PotashCorp. Seule la fusion entre Glencore, le leader mondial du négoce de matières premières, et Xstrata a donc fini par se concrétiser, après dix mois de laborieuses tractations. Mais les deux sociétés étaient déjà étroitement liées : Glencore détenait depuis la création de Xstrata 34 % de ses actions…
La Bourse a sévèrement sanctionné ces tentatives avortées : en 2011, la capitalisation boursière de l'indice mondial Bloomberg des mines a plongé de 31 %. En 2012, il n'a repris que 3 %. Signe que les actionnaires se méfient du secteur et ne sont plus prêts à cautionner les largesses de ses principaux acteurs. A cet égard, les profils des remplaçants des trois hauts dirigeants écartés entre la fin 2012 et ce début 2013 sont de nature à les rassurer. Tous trois travaillent depuis longtemps dans le secteur des ressources naturelles. Ils ont la réputation d'excellents gestionnaires et sont partisans de distributions plus généreuses de dividendes. Ils semblent surtout moins enclins à se lancer dans des opérations de croissance externe hasardeuses.
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