La grève depuis plus de 40 jours de 8000 mineurs des trois provinces du Nord, Asturies, Leon et Aragon, indique la vaste opposition aux mesures d'austérité imposées par le gouvernement du Parti populaire (PP) de droite.
La grève a éclaté fin mai, lorsque le gouvernement a annoncé qu'il baissait de 64 pour cent les subventions allouées à l'industrie du charbon, menaçant 50 000 emplois dans les mines et les activités associées. Le PP continuait la politique du précédent gouvernement du Parti socialiste ouvrier espagnol PSOE consistant à mettre un terme aux subventions. Le PSOE l'avait fait en collaboration avec les syndicats, qui avaient accepté le principe de la fin des subventions pour 2018. Mais la décision du PP d'accélérer ce plan a provoqué une réaction à caractère insurrectionnel chez les mineurs.
La bureaucratie syndicale essaie depuis de canaliser la lutte vers une voie sans issue.
La « Marche noire, » qui s'est terminée dimanche dernier, a vu 200 mineurs des régions du Nord marcher vers la capitale, Madrid. Mais en dehors de cet effort symbolique, les deux principaux syndicats, les CCOO (commissions ouvrières) et l'UGT (Union générale des travailleurs), ont tout fait pour isoler la lutte du secteur minier et la confiner à la question des subventions, l'empêchant de devenir un point où se serait focalisée la colère largement ressentie contre le gouvernement PP.
Dans cette tâche, la coalition de la Gauche unie (Izquierda Unida) et les partis de la pseudo-gauche qui orbitent autour d'elle ont joué un rôle clef.
Le cynisme du Parti communiste espagnol (PCE), qui dirige la Gauche unie, quand il professe son soutien aux mineurs est mis en évidence par son propre rôle dans l'application des coupes de 1,5 milliards d'euros dans la région andalouse au Sud, où il gouverne en coalition avec le PSOE. Son dirigeant, Diego Valderas y est vice-président.
Il y a de nombreux membres de haut-rang du PCE à la direction des CCOO, fondées par le parti stalinien en 1976. La politique des deux organisations sont quasi-identiques. Les deux appellent les mineurs à faire pression sur le gouvernement pour qu'il continue à allouer les subventions à l'industrie minière. Le 14 juin, le PCE a envoyé une délégation aux CCOO des Asturies pour aider à préparer la grève générale d'un jour prévue pour le 18 juin, qui a été délibérément confinée aux communautés minières.
En Lucha (En lutte), la branche espagnole du British Socialist Workers Party, se sert des grèves pour faire mousser les CCOO et l'UGT. Un article de Manel Ros affirme que « les mineurs se rebellent et sont à nouveau la section la plus militante de la classe ouvrière – et au passage, presque tous membres des CCOO et de l'UGT. » Il assimile sans façon le militantisme des mineurs et ce que font les CCOO et l'UGT.
Depuis le déclenchement de la crise en 2008, la bureaucratie syndicale fait taire la résistance ouvrière aux attaques contre les conditions de vie. Des statistiques récentes publiées par la Confédération espagnole des organisations d'employeurs montrent que les heures perdues en grèves ont baissé de 41,7 pour cent entre 2010 et 2011 – les années durant lesquelles les gouvernements espagnols ont imposé des mesures d'austérité se montant à plus de 40 milliards d'euros.
Une autre déclaration d'En Lucha affirme que « la lutte des mineurs nous montre […] que notre analyse des grands syndicats (CCOO et UGT) doit être complexe et échapper aux simplifications sectaires qui ne font pas de différence entre la bureaucratie syndicale et une base combative. »
La phrase « simplifications sectaires » vise à bloquer toute appréciation objective du rôle joué par les syndicats. En Lucha affirme que pour que les syndicats fonctionnent comme des organes efficaces de la lutte des classes, il suffit que leurs membres fassent pression sur la direction. C'est faux ; les syndicats espagnols, staliniens comme socio-démocrates, tout comme leurs homologues partout dans le monde, sont liés au capitalisme et à l'Etat-nation. Leur rôle premier de nos jours est d'aider à imposer la crise aux travailleurs et de s'assurer que toute opposition quelle qu'elle soit n'aille pas au-delà des canaux officiels et ne remette pas en cause l'ordre social.
En Lucha, la Gauche anticapitaliste (GA) du secrétariat unifié pabliste ainsi qu'El Militante, l'ex-section espagnole de la Tendance marxiste internationale, ont tous fait l'éloge de la grève des mineurs comme étant l'expression contemporaine d'une « tradition de luttes » remontant à la Commune des Asturies de 1934 et à la grève des mineurs de 1962, un défi majeur lancé à la dictature du général Franscico Franco.
C'est une comparaison faite sans aucune compréhension des changements historiques et économiques qui se sont produits, et surtout de l'intégration toujours plus grande de la sociale-démocratie et des syndicats dans l'appareil d'Etat, leur abandon de toute prétention à lutter pour des réformes allant dans l'intérêt de la classe ouvrière. Ils agissent pour leur propre enrichissement grâce aux services rendus en tant que force de contrôle social des travailleurs sur le lieu de travail.
Les références à l'histoire des mineurs ne visent qu'à empêcher les travailleurs et les jeunes de tirer les conclusions nécessaires des nombreuses expériences en Espagne et internationalement et à les empêcher d'emprunter la seule voie politique viable – celle d'une rébellion contre ces organisations moribondes.
La GA a publié un article intitulé « Contre les coupes et les renflouements : unir les luttes » qui décrit les grèves des travailleurs des transports qui ont eu lieu à la même période et dans la même région que la grève des mineurs, comme un « succès […] qui démontre que la lutte est utile et la seule voie pour maintenir les conquêtes sociales et ouvrières. »
En quoi consiste ce succès ? Quelques jours après la fin de la grève, les CCOO et l'UGT ont eu des négociations supplémentaires avec les employeurs et ont négocié la fin de nouvelles « conquêtes ouvrières » - un gel des salaires pour cette année et des augmentations nettement en dessous de l'inflation pour la suite. Les travailleurs des transports ont été démobilisés et empêchés de s'unir aux mineurs et aux autres sections de travailleurs attaquées.
Dix jours plus tard, GA publiait un « Manifeste de soutien à la lutte des mineurs » signé par des membres de la GA, des acteurs, écrivains, universitaires, bureaucrates syndicaux et Olivier Besancenot, l'ex-candidat à la présidentielle et dirigeant du parti frère de GA en France, le NPA (Nouveau Parti anticapitaliste.) Il décrivait la grève des mineurs comme « montrant la voie. »
L'IA trompe ses lecteurs en affirmant que « la lutte […] s'étend à tous les secteurs et territoires. »
En fait, ce n'est pas le cas. Il n'y a eu aucune action de solidarité des travailleurs d'Espagne, ou de n'importe où en Europe, avec les mineurs.
El Militant décrit comment les travailleurs des transports ont appelé « à l'unité d'action [avec les mineurs], mais cela a été systématiquement ignoré par les dirigeants des CCOO et de l'UGT. »
Encore une fois, cela n'empêche pas El Militant de parler des CCOO et de l'UGT comme de « syndicats de lutte des classes. » dont la seule faute serait de « sous-utiliser le potentiel de la classe ouvrière. »
La grève des mineurs est délibérément isolée et étouffée sous ce tapis de soutien verbal. La solidarité de la pseudo-gauche, c'est une solidarité avec les syndicats contre les intérêts sociaux et politiques des mineurs et de toute la classe ouvrière.
La question n'est pas de réconcilier la base et la domination continuelle de la bureaucratie syndicale par des phrases trompeuses, mais de mobiliser la base dans un mouvement insurrectionnel contre tout l'appareil des syndicats – et de construire des comités de la base et un parti authentiquement socialiste pour conduire la classe ouvrière espagnole.
(Article original anglais paru le 9 juillet 2012)
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