La nationalisation est présentée par le gouvernement comme la solution pour sauver les hauts fourneaux de Florange alors qu'ArcelorMittal refuse de céder l'ensemble du site.
Alors que la droite se déchire, sur fond de guerre Fillon-Copé, la gauche présente un front uni ce lundi sur le dossier ArcelorMittal. Et rallie même certains soutiens au centre. Même les propos les plus virulents d'Arnaud Montebourg dans les Echos ne fissurent pas la solidarité gouvernementale. "Le problème des hauts fourneaux de Florange, ce n'est pas les hauts fourneaux de Florange, c'est Mittal", a-t-il déclaré dans les colonnes du quotidien économique. Avant d'ajouter "nous ne voulons plus de Mittal en France". Une déclaration choc qu'il a toutefois nuancé en cours de journée: "j'ai voulu dire que nous ne voulons plus des méthodes de Mittal en France, des méthodes qui relèvent du non-respect des engagements, du chantage et des menaces", a-il-indiqué.
Tous les titulaires des portefeuilles économiques se sont donc rangés au côté du ministre du redressement productif, qui brandit la menace d'une "nationalisation temporaire" de Florange, si ArcelorMittal n'accepte pas de céder le site dans sa totalité. "Il y a une solidarité totale du gouvernement dans son entier et en particulier des deux soldats de l'emploi", a assuré ce lundi Michel Sapin sur RTL. Alors que vendredi encore, il justifiait certes l'hypothèse d'un contrôle public provisoire, tout en prenant soin de préciser qu'"on n'est plus dans une époque où on nationalise la sidérurgie". Même Pierre Moscovici, que l'on a connu critique à l'égard d'Arnaud Montebourg a affiché ce week-end son entière solidarité. "Je soutiens son action" a-t-il affirmé. Est-ce à dire que la nationalisation de Florange est une vraie bonne idée pour sauver les 2500 emplois du site?
Juridiquement faisable
Techniquement en tout cas, une telle nationalisation est toute à fait possible, comme l'a d'ailleurs réaffirmé ce lundi Thierry Breton, l'ex-ministre de l'économie de Jacques Chirac. Il suffit pour cela de faire une loi, qui devrait aisément passer le contrôle du Conseil constitutionnel. "Au moment des nationalisations Mitterrand, le Conseil constitutionnel avait considéré que les motifs invoqués, en l'occurrence, donner aux pouvoirs publics les moyens de faire face à la crise économique, de promouvoir la croissance et de combattre le chômage, étaient justifiés, explique Marc Fornacciari, avocat associé en droit public chez Salans. Généralement, sauf erreur manifeste, le Conseil constitutionnel n'est d'ailleurs pas trop regardant sur les motifs de la nationalisation.
En revanche il l'est beaucoup plus sur les modalités de l'indemnisation", poursuit l'avocat. Sur ce point difficile de savoir ce à quoi pourrait prétendre Mittal, mais il est sûr qu'une expropriation risque de coûter cher à l'Etat, qui n'a pas vraiment besoin de ça en ce moment. D'où son idée de s'associer avec un opérateur industriel, minoritaire dans le capital le temps de stabiliser l'activité. Deux noms circulent comme celui du russe Serverstal.
Si la nationalisation ne pose pas d'obstacle juridique particulier, son périmètre lui risque d'être beaucoup plus difficile à délimiter. Ne conserver que la seule partie en danger, en l'occurrence la filière liquide ou chaude (la production d'acier brut à partir de minerai de fer et de charbon dans les hauts fourneaux), présente un intérêt très limité, notamment pour le futur repreneur. Et risquerait aussi d'irriter Bruxelles qui pourrait requalifier la nationalisation en "aide d'Etat", comme elle avait voulu le faire avec Alstom en 2006.
Finalement, pour le gouvernement, la seule option réaliste semble être la nationalisation de l'ensemble du site. Une option défendue également par Jean-Louis Borloo, le président du nouveau parti centriste UDI, à condition qu'elle soit provisoire. "Une prise de contrôle public temporaire est une option parfaitement raisonnable, qui est en train de s'imposer, parce qu'elle est à coût nul pour le contribuable, qu'elle est respectueuse de l'Etat de droit français et européen", a justifié lundi M. Montebourg en marge d'une visite de l'usine Duralex à La Chapelle Saint-Mesmin, près d'Orléans.
Techniquement compliqué
Mais concrètement comment faire? "Le repreneur dispose-t-il de brevets, licences lui permettant d'accéder au marché actuel de Florange? Dans une hypothèse de réquisition, le gouvernement pense-t-il obtenir par la voie législative l'accès aux brevets ArcelorMittal?", s'interroge notamment, la fédération métaux CFE-CGC, visiblement dubitative. La prise de contrôle temporaire par l'Etat, "industriellement et commercialement, ne tient pas la route. Imaginez un repreneur avec une usine mais sans réseau commercial, sans brevet ni licence pour produire de l'acier? On attend de M. Montebourg des éléments de réponse pour juger son projet, mais pour l'instant on est très dubitatif", estime même Xavier Le Coq, secrétaire national CFE-CGC en charge de l'Industrie.
De plus, le gouvernement se heurte au refus obstiné d'ArcelorMittal de céder l'intégralité du site de Florange. Le sidérurgiste affirme en effet que la cession des acitivités aval "mettrait en péril la viabilité du reste des activités d'ArcelorMittal en France où le groupe emploie 20.000 salariés". Une déclaration dans laquelle le gouvernement a voulu voir un chantage. La CFE-CGC semble toutefois également critiquer le scénario d'une vente globale qui se traduirait, selon elle, par des conséquences négatives pour le reste du groupe, sur l'approvisionnement en bobines d'acier des usines de Mouzon (Ardennes) et Dudelange (Luxembourg), chargées des revêtements métalliques sur des tôles laminées à Florange.
Politiquement envisageable
Politiquement, le pari d'Arnaud Montebourg, qui espère réussir là où Nicolas Sarkozy a échoué, semble aujourd'hui conforté par des appuis de plus en plus nombreux, à gauche comme à droite d'ailleurs. Certes, il n'a toujours pas le soutien officiel de François Hollande. Le chef de l'Etat doit rencontrer mardi la famille Mittal, qui s'est dite extrêmement "choquée" par les propos du Ministre du redressement productif. Mais son explication de texte de l'après midi pourrait arrondir les angles.
Sur le fond, Montebourg peut aussi arguer du fait que l'industrie de métallurgie en France est vitale pour l'économie tricolore. C'est en tout cas la conclusion d'un rapport de 2011 de l'Académie des sciences et l'Académie des technologies intitulé "La Métallurgie, science et ingénierie", selon lequel il est indispensable de préserver et de développer sur le territoire français une filière métallurgique solide et en particulier sa branche sidérurgique.
Resterait à gérer les critiques que suscite toujours le recours aux nationalisations. "En France si vous n'obéissez pas au gouvernement, on vous exproprie", observait par exemple ce matin sur Europe 1 le chroniqueur Axel de Tarlé. Mais le gouvernement pourra se réfugier derrière les opérations de ce type réalisées en France par des gouvernements de droite, ou, plus récemment, par la nationalisation provisoire et plutôt réussie de General Motors aux Etats-Unis...
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