Avec Hugo Chavez, décédé mardi soir, la gauche latino-américaine «anti impérialiste» a perdu son phare et son héros. Nul n’a su mieux que lui pourfendre l’hégémonie des Etats-Unis, comparant même, lors d’un discours à l’ONU en 2006, l’ancien président américain George W Bush au diable (avant de se signer). Mais au-delà de cette posture d’imprécateur, le président du Venezuela a surtout réussi à fédérer les pays de la gauche radicale dans la région et y asseoir son influence grâce, certes, à sa personnalité et à sa révolution socialiste du XXIe siècle, mais aussi à deux leviers essentiels: son alliance initiale avec Cuba et ses pétrodollars.
Ses liens avec Fidel Castro sont anciens et étroits. Il s’est inspiré du régime cubain, de son appareil d’Etat et du style du Lider Maximo, orateur véhément et intarissable. L’étroite coopération économique développée depuis longtemps entre les deux pays repose sur la livraison à prix réduit par Caracas de 100.000 barils de pétrole par jour contre l’envoi au Venezuela de quelque 30.000 médecins cubains et de plusieurs milliers d’éducateurs pour ses «misiones».
REUTERS/Paulo Whitaker -
Avec Hugo Chavez, décédé mardi soir, la gauche latino-américaine «anti impérialiste» a perdu son phare et son héros. Nul n’a su mieux que lui pourfendre l’hégémonie des Etats-Unis, comparant même, lors d’un discours à l’ONU en 2006, l’ancien président américain George W Bush au diable (avant de se signer). Mais au-delà de cette posture d’imprécateur, le président du Venezuela a surtout réussi à fédérer les pays de la gauche radicale dans la région et y asseoir son influence grâce, certes, à sa personnalité et à sa révolution socialiste du XXIe siècle, mais aussi à deux leviers essentiels: son alliance initiale avec Cuba et ses pétrodollars.
Ses liens avec Fidel Castro sont anciens et étroits. Il s’est inspiré du régime cubain, de son appareil d’Etat et du style du Lider Maximo, orateur véhément et intarissable. L’étroite coopération économique développée depuis longtemps entre les deux pays repose sur la livraison à prix réduit par Caracas de 100.000 barils de pétrole par jour contre l’envoi au Venezuela de quelque 30.000 médecins cubains et de plusieurs milliers d’éducateurs pour ses «misiones».
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En 2005, ils ont formalisé cette alliance au sein de l’ALBA, «l’Alliance bolivarienne des peuples d’Amérique», auxquels se sont joints ensuite plusieurs pays d’Amérique latine passés à gauche, la Bolivie d’Evo Morales, le Nicaragua de Daniel Ortega, les îles de la Caraïbe Saint-Vincent et les Grenadines, la Dominique et Antigua-et-Barbuda; et, enfin, en 2009, l’Equateur de Rafael Correa (le Honduras étant entré puis ressorti à la suite du coup d’Etat).
L’objectif revendiqué est avant tout politique: il s’agit de former un bloc régional hostile aux logiques néolibérales. D’un point de vue économique, plutôt que le libre échange, l’Alba promeut une intense coopération dans divers domaines. Pour s’affranchir du dollar dans les échanges entre ses membres, elle a créé le SUCRE en 2009, système monétaire de compensation (sur le modèle de l’ex ECU européen), dont l’utilisation reste à ce jour très timide. Parallèlement, le Venezuela a continué de vendre son pétrole à des tarifs subventionnés aux pays amis à travers, par exemple, l’organisation Petrocaribe qu’il a créée avec 18 pays caribéens.
Rafael Correa, l'héritier naturel
«Il est vrai que la mort de Hugo Chavez laisse un grand vide idéologique et que je ne vois personne à l’heure actuelle doté d’un tel talent de rassembleur dans la région. Même si sa capacité de ralliement a toujours été proportionnelle à l’épaisseur de son chéquier», remarque un observateur vénézuélien. Nicolas Maduro, dauphin désigné par el Comandante avant sa mort et hypothétique futur président du Venezuela (si sa candidature est validée par son parti), aurait bien quelques atouts en poche: lui-même très proche de Cuba, cet ancien ministre des Affaires étrangères est en outre rompu aux relations internationales et a déjà repris à son compte le ton agressif de Chavez vis-à-vis de Washington. Pourtant, même s’il est élu à la tête d’un pays fort des premières réserves mondiales de pétrole (près de 300 milliards de barils), il lui faudra du temps pour se construire un leadership d’autant que, de l’avis général, il manque tragiquement de charisme.
La flamboyante présidente argentine Cristina Kirchner, dont les détracteurs trouvent qu’elle se «chavise» de plus en plus, pourrait être tentée de reprendre le flambeau de l’intégration de la gauche régionale. Mais sa popularité s’effondre dans son propre pays et sa politique apparait plus nationaliste qu’idéologique. En revanche, les analystes présentent souvent le jeune Président équatorien Rafael Correa, économiste brillamment réélu il y a moins de trois semaines, comme l’héritier naturel de Hugo Chavez en Amérique latine. «Mais ils négligent un point essentiel: la différence entre la forme et le fond de sa politique», estime Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’IRIS (Institut de relations stratégiques et internationales).
Ce dernier oppose en effet le discours radical, révolutionnaire et souvent vindicatif de Rafael Correa, à des positions réelles beaucoup plus modérées: «c’est un nationaliste et un réformiste. Il n’est pas question de grand soir avec lui», ajoute-t-il. Néanmoins, la croisade du Président équatorien contre les médias de l’opposition n’a, elle, rien de modéré. «Rafael Correa peut se targuer d’un certain charisme, juge pour sa part, un spécialiste. Mais même s’il en avait le désir, et bien que l’Equateur soit lui aussi producteur de pétrole, il n’a absolument pas les moyens économiques de mener une diplomatie similaire à celle de Chavez en Amérique latine».
Dilution de la gauche radicale dans le libre-échange
Obsédé par sa volonté de prendre ses distances avec l’Europe et les Etats-Unis, Hugo Chavez n’a eu de cesse de rapprocher l’ALBA de la Russie et de développer ses relations avec la Chine, d’ailleurs devenue aujourd’hui le deuxième partenaire commercial du Venezuela (derrière… les Etats-Unis, qui absorbent plus de la moitié de ses exportations de brut !). Ses initiatives ont été plutôt bien perçues dans la région, contrairement à d’autres beaucoup plus controversées, telle sa proximité affichée avec l’Iran d’Ahmadinejad, la Lybie de Mouammar Kadhafi ou avec la Syrie.
Malgré tout, faute de fils spirituel, l’aventure de l’intégration régionale de la gauche latino-américaine risque de perdre, avec Hugo Chavez, son moteur et son ciment idéologique. D’autant que la donne risque de changer avec l’entrée, depuis le mois d’août dernier, du Venezuela dans le Mercosur, zone de libre échange regroupant déjà le Brésil, l’Argentine et l’Uruguay (la participation du Paraguay étant suspendue depuis 8 mois pour cause de coup d’Etat).
Perçue comme une chance pour l’économie vénézuélienne, cette adhésion pourrait bien être aussi la source de désillusions pour le Venezuela, qui importe 80% de sa consommation et constitue donc un fabuleux marché pour les produits agricoles et industriels des autres membres du Mercosur. Mais cela risque d’entraver sa capacité à se reconstituer une agriculture et une industrie compétitives.
D’autre part, l’Equateur et la Bolivie, autres pays pourfendeurs du libéralisme, frappent eux aussi à la porte du Mercosur. De quoi imaginer une progressive dilution des pays de la gauche radicale d’Amérique latine dans la zone de libre échange du Cône Sud, à l’ombre bienveillante du très puissant et très modéré Brésil.
«Il existe pour le Venezuela d’autres formes de gauches possibles que celle de la révolution bolivarienne, qui soient plus favorables au redressement de l’économie, estime un déçu du chavisme. Le futur président pourrait s’inspirer du modèle vietnamien ou même, de celui de l’Uruguay et de son président, José Mujica».
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